L’Afrique est au cœur de la mondialisation. Or, si ce continent est souvent abordé dans la pure optique des problèmes mondiaux, il figure aussi parmi les principaux créateurs d’opportunités nouvelles. Il est donc temps de passer de l’ancienne approche de l’Afrique, focalisée sur la pauvreté, l’instabilité et les conflits, et d’adopter une conception plus positive et plus constructive, qui reflète les nouvelles réalités de ce vaste continent en mutation rapide.

Africains et Européens doivent devenir des partenaires authentiques, au bénéfice des deux hémisphères. Nous partageons une histoire commune, pleine de réalisations, mais aussi de souffrances et de douleur. Confrontés à des défis mondiaux similaires, nous pouvons coopérer pour un avenir meilleur. Nous partageons la même conception de la paix, de la sécurité, de la prospérité et de la justice sociale. Toutefois, nous vues divergent souvent en matière d’initiatives et de politiques concrètes. Trop longtemps, les relations entre l’Afrique et l’Europe ont été soumises aux intérêts et aux préoccupations européens – dans les domaines de l’économie, de la sécurité, de la migration – et cela doit cesser.

Dans le contexte des relations UE-Afrique, nous ne pouvons ignorer que l’Europe est confrontée à une crise des réfugiés sans précédent dans les temps modernes. En conséquence, il est impossible d’ignorer les défis politiques et économiques (absence de liberté et d’opportunités) auxquels de nombreux pays africains restent confrontés. La réponse européenne à cette crise doit se fonder sur la solidarité entre les États membres de l’UE, mais aussi sur une stratégie proactive de coopération étroite avec les pays d’origine, de transit et de destination en Afrique, afin de s’attaquer aux causes fondamentales des flux migratoires. Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que certains pays africains accueillent plus de migrants qu’il n’en arrive en Europe, et que ces pays ont besoin d’une aide urgente. Aussi longtemps que l’Afrique connaît des crises migratoires, l'Europe y sera également confrontée.

Les relations UE-Afrique s’adossent à des fondements institutionnels solides : l’accord de Cotonou relatif à la coopération de l’UE avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) (signé en 2000, révisé en 2005 et 2010, vient à expiration en 2020) ; la Stratégie conjointe UE-Afrique de 2007 ; le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies ; l’accord climatique mondial de Paris de 2015 ; ainsi que les résultats du sommet UE-Afrique de 2014, du sommet de La Valette de 2015 et du Sommet humanitaire mondial de 2016. Ce cadre continue à s’enrichir, avec le suivi de l'accord de Cotonou, les accords de partenariat économique (APE), la nouvelle stratégie de l’UE pour l’Afrique ainsi que les résultats de la conférence Habitat III de 2016 et le prochain sommet UE-Afrique, prévu en 2017.

Aujourd’hui plus que jamais, l’UE a besoin d’une politique ambitieuse envers l’Afrique, qui aboutisse à un authentique partenariat entre les deux parties. Ce nouveau partenariat doit être fondé sur des intérêts communs et des valeurs partagées – en particulier les droits de l'homme, les principes démocratiques, l’État de droit et la bonne gouvernance – pour aboutir à des solutions gagnant-gagnant, avantageuses pour les deux côtés.

Nous devons garder à l’esprit le fait que l’Afrique est un acteur politique et économique qui monte en puissance sur la scène mondiale. En effet, la majorité des pays africains ont bénéficié d’une décennie ou plus de croissance économique ininterrompue, fondée essentiellement sur l’exportation de matières premières. Cette situation les a rendus dépendants de prix du marché instables, et souligne une fois de plus la nécessité de diversifier leurs économies. Toutefois, la combinaison du développement économique et du renforcement progressif des organisations régionales et de l'Union africaine (UA), a consolidé les positions africaines à l’échelle mondiale. En conséquence, il n’est pas surprenant que l’Afrique soit devenue une arène importante de la concurrence politique et économique mondiale.

L’Afrique dispose d’un immense potentiel d’avenir. Les tendances démographiques des sociétés africaines sont à la fois un bienfait et un défi. Or, la croissance économique doit se traduire en création d'emploi : à court terme, les pays africains doivent créer 18 millions d’emplois par an. Cette croissance doit aussi assurer la distribution équitable de la prospérité au sein de la société. L’UE et ses États membres, qui ne sont pas seulement les principaux donateurs, mais aussi les principaux investisseurs sur le continent, joueront un rôle majeur dans le développement des économies locales en Afrique. Cet aspect doit aller de pair avec la justice sociale et la réduction des immenses inégalités des sociétés africaines, ainsi qu’avec la lutte contre les flux financiers illégaux et la corruption.

En termes politiques, le renforcement de la démocratie, de l’État de droit et du respect des droits de l'homme restent les défis principaux que l’Afrique doit relever. Dans cette optique, le Groupe S&D est prêt à investir dans des institutions qui favorisent les valeurs démocratiques et l’État de droit – dont le cadre ACP-UE et son Assemblée parlementaire conjointe. Il souhaite aussi investir dans ses relations avec les forces politiques démocratiques du continent – particulièrement, les partis politiques progressistes et les organisations de la société civile amies désireuses de protéger ces valeurs. Le renforcement de la participation de la société civile reste un défi crucial, auquel il faut répondre par un dialogue politique authentiquement inclusif et par des forums et processus consultatifs appropriés. Dans cet esprit, les S&D saluent l’émergence de jeunes mouvements démocratiques comme Balai citoyen au Burkina Faso, Filimbi en République démocratique du Congo ou Y en a marre au Sénégal, pour n’en nommer que quelques-uns. Ces mouvements peuvent jouer un rôle important dans le renforcement de la démocratie et de l’État de droit dans leurs pays respectifs, et ils méritent notre soutien.

Le présent exposé de position est un plaidoyer pour un nouveau partenariat entre l’UE et l’Afrique. Il s’appuie sur la conviction du Groupe S&D que nous devons moins œuvrer pour mais plus avec l’Afrique, dans un esprit d’appropriation africaine de notre action conjointe. Ce document n'a pas pour ambition de couvrir toutes les dimensions possibles des relations UE-Afrique. Il se concentre sur des domaines et questions politiques que les S&D ont particulièrement à cœur, afin de constituer les fondements solides permettant de définir un plan d'action S&D pour l’Afrique. Toutefois, même si nous sommes conscients que les défis à relever en Afrique du Nord concernent tant l’Afrique que la Méditerranée, le présent exposé se limite à l’Afrique subsaharienne, et ne vise pas les régions du Maghreb et du Machreq, qui font l‘objet de la politique européenne de voisinage.