Après 18 mois d’enquêtes, d’auditions et de missions d’établissement des faits au sujet des Panama Papers, le Parlement européen présentait, ce 12 décembre, plus de 20 recommandations concrètes et fortes pour lutter contre les pratiques internationales d’évitement fiscal, de fraude fiscale et de blanchiment. Parmi celles-ci figurent de nombreuses propositions progressistes : abandon de la règle de l'unanimité pour les décisions fiscales, instauration de sanctions pour ceux qui sont impliqués dans les paradis fiscaux, ... Toutefois, les Socialistes & Démocrates regrettent le fait que l’opposition de la droite conservatrice ait réussi à obtenir le rejet de deux propositions cruciales : l’élaboration d’une liste de pays de l’UE faisant office de paradis fiscaux, similaire à la liste approuvée par les ministres des Finances de l’UE pour les pays tiers ; et l’instauration d’un taux d’imposition minimum pour les sociétés.

 

Jeppe Kofod, eurodéputé et viceprésident du Groupe S&D, co-auteur du rapport de la commission d’enquête sur les Panama Papers, a déclaré ceci :

« Les Panama Papers ont révélé qu’une élite mondiale et corrompue de politiciens, célébrités et hommes d’affaires est capable de se placer au-dessus de toutes les lois fiscales. Un grand nombre de ces personnes fait appel à des conseillers fiscaux pour éviter de payer des impôts, pour cacher de l’argent ou pour participer au blanchiment et à d’autres activités criminelles. »

« Ces agissements sont fondamentalement préjudiciables à notre démocratie et à la confiance de la population dans leurs dirigeants. Dans ces conditions, nous devons agir, au nom des citoyens, pour nettoyer les écuries d’Augias révélées par les Panama Papers. »

« Nos conclusions sont claires, à cet égard. Le droit de l'UE concernant la lutte contre le blanchiment d’argent n’a pas été mis en œuvre correctement par les États membres ni appliqué de manière appropriée par la Commission européenne. De plus, l’UE est captive d’un nivellement par le bas maladif en matière de fiscalité, et d’une absence de mise en œuvre du droit européen qu’elle s’est elle-même donné. »

« Dans ces conditions, il faut une plus grande transparence fiscale, la fin du secret et la fin des paradis fiscaux. Le Conseil des ministres des Finances doit ouvrir ses groupes de travail secrets et fermés. Ils doivent rendre compte à la population de leurs actions – ou absence d’actions. De plus, il faut dénoncer et condamner les pays qui bloquent les progrès fiscaux. Enfin, les conseillers fiscaux doivent subir des sanctions réelles s’ils s’engagent dans des activités illégales. »

« Autrement dit : le temps de l’action, c’est maintenant. Nous voulons mettre fin au nivellement fiscal par le bas au sein de l'UE. Toutefois, ce parlement est divisé sur les moyens à mettre en œuvre pour progresser en matière de politique fiscale. La proposition d’instaurer un taux réel minimum d’impôt des sociétés, par exemple, a été perdue en raison d’un vote très serré. »

 

Peter Simon, eurodéputé et porteparole du Groupe S&D en commission d’enquête sur les Panama Papers, a ajouté ce qui suit :

« Notre travail montre que la liste des lacunes est longue. Y figurent des questions comme l’insuffisance de la coopération entre États membres de l’UE, le sous-financement chronique des autorités de supervision et la sous-occupation de leur effectif, la mise en œuvre et l’application déficientes des lois et des sanctions. Il faut donc éliminer aussi vite que possible ces lacunes. »

« Au demeurant, le rapport final n’est qu’un instantané de la situation actuelle. En effet, de nouveaux cas et développements en matière de blanchiment, d’évasion fiscale et d’évitement fiscal se produisent constamment. Il faut donc aussi enquêter dûment sur ces cas. Dans cet esprit, nous saluons le fait que d’autres groupes se soient joints à notre demande de création, dans l’immédiat, d’une commission spéciale pour les Paradise Papers et, dans la durée, d’une structure permanente, qui assurera la continuation des enquêtes et le maintien de la pression sur les États membres. »

 

Principales recommandations S&D :

•          Tenue d’une comptabilité pays par pays (CBCR), étant donné que la transparence est un élément clé de la lutte contre l’évitement fiscal et de la responsabilisation des multinationales.

•          Instauration d’une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), pour faire en sorte que les bénéfices soient imposés là où la valeur est créée.

•          Fin du principe d'unanimité, qui a bloqué de nombreuses réformes fiscales au sein de l'UE, adossé à l'utilisation de la procédure législative ordinaire par application de l’article 116 du traité de Lisbonne, dit clause passerelle.

•          Élaboration d’une liste de pays de l’UE faisant office de paradis fiscaux, associée à des sanctions puissantes et dissuasives.

•          Réforme du groupe Code de conduite, pour assurer la transparence et la surveillance efficace des politiques fiscales des États membres de l’UE.

•          Renforcement de la règlementation des intermédiaires, y compris le retrait des licences d’exploitation en cas d’implication dans des affaires d’évasion fiscale, d’évitement fiscal ou de blanchiment.

•          Protection des lanceurs d’alerte et journalistes d’investigation.

•          Tenue de registres publics des propriétés effectives.

•          Renforcement des règles contre l'évitement fiscal, y compris une clause de commutation.

•          Renforcement de la coopération internationale par l’organisation d’un sommet mondial et la création d’un organe de l’ONU.

•          Mise en œuvre prompte du régime de TVA commun, car la fraude transfrontalière provoque une perte annuelle de 50 milliards d’euros en revenus fiscaux.