Étude S&D sur la location de logements à court terme dans l'UE - Résumé
Contexte et défis
La croissance rapide des locations de logements de courte durée (STAR) via des plateformes comme Airbnb, Booking.com et d'autres est en train de remodeler les marchés du logement et le tourisme dans l'ensemble de l'UE.
En 2023, 719 millions de nuitées ont été réservées par l'intermédiaire de ces plateformes, soit une hausse de 20,5 % par rapport à 2022, et la croissance se poursuivra au troisième trimestre 2024. Si les STAR soutiennent le tourisme et les entreprises locales, ils font également grimper les loyers, réduisent le nombre de logements à long terme et perturbent les communautés. À Florence, 20 % des appartements du centre sont proposés par Airbnb, et le centre-ville de Madrid a perdu 15 000 habitants depuis 2005. Des études menées en Europe, en Amérique du Nord et en Australie établissent un lien entre la densité d'Airbnb et l'augmentation des prix des loyers. Les opérateurs commerciaux dominent désormais dans des villes comme Lisbonne, Porto et Barcelone, où plus de 70 % des annonces sont gérées par des hôtes possédant plusieurs biens. À Athènes (92,2 %) et à Porto (80,5 %), la plupart des annonces sont des maisons entières, ce qui les exclut du marché de la location à long terme. En revanche, Barcelone et Londres proposent davantage de chambres privées (plus de 35 %), ce qui suggère une moindre saturation commerciale.
L'impact social est également important. Les STAR transforment souvent des quartiers résidentiels en zones touristiques, ce qui érode la cohésion sociale et accélère l'embourgeoisement. Des villes comme Venise, Barcelone, Athènes et Porto, où les annonces de logements entiers dominent et où les déplacements de résidents augmentent, sont particulièrement touchées.
La discrimination sur les plateformes de location reste un problème, les hôtes favorisant certaines catégories démographiques. L'ampleur du phénomène varie également considérablement : Paris compte plus de 90 000 annonces actives, contre 10 000 à Amsterdam, ce qui met en évidence l'impact inégal de ce phénomène dans les villes de l'Union européenne et la nécessité d'une réglementation coordonnée, mais adaptable au niveau local.
L'un des principaux problèmes liés à la location de logements de courte durée (STAR) dans l'UE est le cadre juridique fragmenté et incohérent, régi par diverses directives telles que la directive sur le commerce électronique, la directive sur les services et la loi sur les services numériques. Cette situation est source d'incertitude pour les autorités locales, qui ne savent pas quelles règles elles peuvent appliquer ni quelle est l'étendue de leurs pouvoirs. En outre, elle entrave leur capacité à appliquer les réglementations et à protéger les logements abordables, tout en faussant la concurrence dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Malgré la montée en puissance des STAR et les inquiétudes suscitées par leur impact, la Commission européenne a évité toute action coordonnée à l'échelle de l'UE, laissant plutôt la réglementation aux différents États membres.
Proposition législative : principales conclusions et innovations
Dans sa communication de 2016 intitulée "Un agenda européen pour l'économie collaborative[1]", la Commission européenne a noté que "l'économie collaborative soulève souvent des questions concernant l'application des cadres juridiques existants, en brouillant les lignes établies entre le consommateur et le prestataire, le salarié et le travailleur indépendant, ou la prestation professionnelle et non professionnelle de services. Il peut en résulter une incertitude quant aux règles applicables, en particulier lorsqu'elle est associée à une fragmentation réglementaire résultant d'approches réglementaires divergentes au niveau national ou local".
L'objectif de cet exercice juridique est de présenter une réponse équilibrée et pragmatique aux défis croissants posés par l'activité STAR. La proposition favorise la cohérence réglementaire, la protection des consommateurs et l'équité sociale, tout en préservant un espace pour l'innovation et l'adaptation locale. Elle cherche à aligner les libertés du marché sur les objectifs essentiels d'intérêt public, en assurant un développement durable du secteur de la location à court terme dans l'ensemble de l'UE.
Cette étude a été réalisée afin d'explorer les fondements juridiques de la réglementation des locations de courte durée au niveau de l'UE, en offrant une analyse complète de l'impact du secteur sur le logement, le tourisme et les économies locales. En cartographiant les éléments les plus critiques du paysage STAR, l'étude identifie les principaux défis et opportunités d'action. La proposition législative incluse dans l'étude vise à démontrer qu'il existe une base juridique claire pour l'intervention de l'UE, offrant aux États membres un cadre coordonné tout en respectant leurs divers contextes nationaux.
L'étude législative propose une base juridique à l'échelle de l'UE pour réglementer les STAR, en s'appuyant sur l'article 114 du TFUE. Elle introduit des règles minimales axées sur les hôtes, visant à fournir un cadre proportionné et cohérent pour les STAR dans l'ensemble du marché unique, tout en apportant une clarté et une sécurité juridiques aux autorités locales. À certains endroits, la proposition comprend différentes variantes pour illustrer le fait qu'un cadre juridique unique peut accueillir un large éventail d'options de mise en œuvre viables.
La directive proposée reconnaît pleinement la valeur des locations de courte durée en tant qu'élément de l'écosystème touristique européen et de l'économie collaborative. Avec cette proposition, les S&D ne s'attaquent pas aux plateformes comme Airbnb ou Booking.com, mais se concentrent plutôt sur la réglementation des hôtes. L'objectif est de mettre de l'ordre dans le Far West réglementaire qu'est devenu le marché de la location en aval, où des impacts réels se font sentir dans les quartiers, les logements et les villes.
Principaux éléments
A. Définition claire des hôtes non professionnels et professionnels
La proposition de directive établit une distinction entre les hébergeurs non professionnels et les hébergeurs professionnels. Cette distinction est basée sur le nombre de jours de location d'une unité par année civile et sur le nombre d'unités fournies par un hôte individuel. La proposition explore différentes variantes de la même idée, à savoir une limite maximale de jours par unité et par année civile et la possibilité, pour une directive ou pour un État membre, de fixer un nombre minimal de jours de location.
Il est essentiel de définir les hôtes non professionnels et professionnels afin de réduire l'ambiguïté juridique dans le secteur de la location à court terme. En l'absence de telles définitions, l'incertitude quant aux règles applicables, exacerbée par la fragmentation des réglementations nationales, nuit à la fois à l'application de la législation et à la concurrence loyale.
B. Mesures urbaines proportionnelles
Alors que les hôtes non professionnels devraient pouvoir louer leurs biens avec des contraintes réglementaires limitées, les États membres peuvent imposer les mesures qu'ils jugent les plus appropriées, telles que des plafonds de nuit, des régimes d'autorisation, des compensations et des restrictions de zonage dans les zones où la pression immobilière est importante. La proposition présente de multiples variantes de ces mesures, qui peuvent s'appliquer exclusivement aux hôtes professionnels ou, à la discrétion d'un État membre, s'étendre aux hôtes non professionnels proposant des unités secondaires. Les interdictions totales ne sont autorisées que dans des circonstances exceptionnelles et bien documentées. Toutes les mesures doivent respecter les principes de proportionnalité, de subsidiarité et de non-discrimination.
Il est essentiel d'inclure ces mesures directement dans la proposition afin de garantir la sécurité juridique et de renforcer le droit des autorités locales à agir dans l'intérêt public. La jurisprudence de la Cour de justice, notamment l'arrêt Cali Apartments, a déjà confirmé que les régimes d'autorisation et les outils similaires peuvent être justifiés pour répondre à des défis urgents tels que les pénuries de logements. En reconnaissant ces instruments dans la directive, la proposition défend la subsidiarité et garantit que les autorités locales restent habilitées, et non limitées, à gérer l'impact des locations de courte durée.
C. Normes minimales de sécurité et de qualité et mesures antidiscriminatoires
La proposition introduit des exigences obligatoires en matière de sécurité et d'hygiène, alignées sur les orientations et les meilleures pratiques existantes de l'UE, telles que des mesures de sécurité incendie, des normes structurelles, des protocoles sanitaires et une couverture d'assurance, garantissant un niveau de base de protection des consommateurs pour toutes les annonces STAR. Pour lutter contre la discrimination sur les plateformes numériques, la directive autorise la réservation instantanée obligatoire pour les hôtes professionnels et encourage les fonctions d'anonymisation des hôtes, garantissant ainsi un accès équitable et égal au logement.
D. Mise en œuvre et autonomie locale
La proposition dote les États membres d'outils d'application souples, tels que des inspections, des sanctions et des mécanismes de suivi fondés sur des données. Elle aide les autorités locales à adapter les règles à leurs marchés du logement, tout en favorisant la cohérence et la sécurité juridique à l'échelle de l'UE.
[1] Commission européenne, Un agenda européen pour l'économie collaborative, COM (2016) 356.
L'étude complète est disponible ci-dessous
Cette étude a été réalisée à la demande du Groupe S&D. Les opinions exprimées ici sont celles de l'auteur et ne représentent pas nécessairement la position officielle du Groupe S&D.