Alors que l'actuel budget à long terme touche à sa fin, le Parlement européen formule ses demandes en faveur d'un cadre financier plus ambitieux pour faire face aux défis croissants.
L'Union européenne, comme ses États membres, doit obtenir les fonds nécessaires pour tenir les promesses qu'elle a faites à ses citoyens. Sans un soutien financier adéquat, ces engagements risquent de devenir de simples aspirations. C'est précisément la raison pour laquelle l'UE fonctionne avec un cadre financier pluriannuel (CFP) - le budget à long terme de l'Union. Le CFP actuel, qui couvre la période 2021-2027, a été approuvé en 2020 par la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres au sein du Conseil. Bien que six années seulement se soient écoulées, le paysage mondial a changé de manière spectaculaire, soulignant le besoin urgent d'un CFP doté de ressources suffisantes au-delà de 2027. Le temps de la discussion et de la négociation est venu.
La première étape formelle de ce processus a eu lieu aujourd'hui à Strasbourg, où la session plénière du Parlement européen a adopté un rapport que j'ai co-rédigé au sein de la commission des budgets du Parlement. Ce rapport présente les principales priorités que nous souhaitons voir prises en compte dans la proposition législative pour le CFP post-2027. La Commission européenne devrait présenter cette proposition cruciale dans le courant de l'été. Son approbation dépend de l'accord du Parlement européen, qui suivra les négociations avec les États membres au sein du Conseil, sur la base du document initial de la Commission. L'objectif est de parvenir à un accord au plus tard à la fin de l'année 2026. L'adoption de ce rapport par le Parlement aujourd'hui est un message clair, non seulement à la Commission mais aussi aux États membres, concernant les positions attendues du Parlement dans les négociations à venir.
Mais pourquoi plaider pour un budget à long terme plus ambitieux après 2027 que le budget actuel ? Notre ambition accrue découle du nombre et de l'ampleur croissants des défis auxquels sont confrontés nos citoyens, défis que les États membres ne peuvent pas relever efficacement de manière isolée. Il s'agit notamment de la résurgence de la guerre sur notre continent, de l'urgence climatique actuelle qui se manifeste par des incendies de forêt dévastateurs et de graves inondations, d'un sentiment d'insécurité omniprésent associé à la détérioration des conditions économiques et sociales auxquelles sont confrontés de nombreux Européens, de la menace imminente de guerres commerciales provenant de pays tiers, des problèmes de compétitivité qui frappent nos industries et du besoin pressant d'aide humanitaire au niveau mondial, en particulier au moment où les États-Unis annoncent leur retrait potentiel de la scène internationale et de l'ordre fondé sur des règles. Ce ne sont là que quelques-unes des questions cruciales qui requièrent notre attention et pour lesquelles il sera impossible de trouver des solutions sans une augmentation significative du financement du CFP après 2027.
La période couverte par le CFP actuel - 2021 à 2027 - a déjà mis à l'épreuve nos citoyens et nos entreprises avec les chocs profonds des répercussions sanitaires et économiques de la pandémie COVID-19, la flambée des prix de l'énergie, la guerre d'agression illégale de la Russie et son impact considérable sur notre sécurité. Contrairement à 2020, où peu de gens auraient pu prévoir ces événements, nous comprenons mieux aujourd'hui les défis qui nous attendent. Nous devons repenser fondamentalement la manière dont nous allouons nos ressources et adopter une approche plus stratégique des dépenses.
Nous demandons instamment aux États membres, à la Commission et à tous les autres acteurs politiques de placer les citoyens et leurs attentes au cœur du prochain CFP. C'est la seule façon d'obtenir des résultats tangibles et visibles, et de convaincre ainsi les citoyens que le projet européen sert véritablement leurs intérêts.
Dans cet esprit, nous, socialistes et démocrates du Parlement européen, envoyons un signal fort à la Commission et aux États membres : environ 20 millions d'enfants au sein de l'Union sont menacés de pauvreté et d'exclusion sociale. Cette situation est inacceptable et nous demandons un budget dédié au sein du Fonds social européen+ pour soutenir la garantie européenne pour l'enfant en tant que pilier central de la stratégie de lutte contre la pauvreté de l'UE.
Le CFP post-2027 devrait intégrer deux instruments spécifiques : l'un destiné à garantir la solidarité face aux catastrophes naturelles, et l'autre pour la réponse générale aux crises. La politique de cohésion est, et doit rester, un instrument d'investissement visant à réduire les disparités économiques et sociales entre les régions et les communautés au sein de notre Union. Par conséquent, nous devons veiller à ce que la politique de cohésion ne soit pas épuisée par des crises qui ne cessent d'apparaître et nous abstenir de l'utiliser en dernier recours lorsque l'UE a un besoin urgent de fonds pour faire face à des situations d'urgence.
En outre, la politique de cohésion doit rester sous la responsabilité des autorités régionales et locales, qui connaissent le mieux les besoins de leurs habitants.
L'UE ne doit pas négliger ses agriculteurs. Ce secteur est particulièrement vulnérable aux chocs inflationnistes, qui érodent considérablement le pouvoir d'achat des agriculteurs. C'est pourquoi nous demandons un financement adéquat et prévisible de la politique agricole commune dans le prochain cadre financier pluriannuel.
En ce qui concerne les défis internes à l'UE, nous devons également reconnaître les menaces émanant de l'extérieur de nos frontières. La défense et la sécurité devraient occuper une place importante dans le prochain budget à long terme de l'Union après 2027. Toutefois, cela ne doit pas nécessiter des coupes budgétaires ou la réorientation des fonds alloués à des politiques sociales essentielles. La solution à ce dilemme apparent - sécurité contre politique sociale - réside dans l'établissement d'un nouveau système de véritables ressources propres, une mesure que le Groupe S&D préconise depuis longtemps.
Cette mesure permettra non seulement d'assurer le remboursement durable de la dette commune de l'UE, mais aussi de garantir la capacité de l'Europe à réagir efficacement aux crises et à répondre aux besoins de ses citoyens. Le Groupe S&D insiste également pour que de nouveaux emprunts communs soient disponibles afin de garantir que l'Union dispose de ressources suffisantes pour apporter une réponse collective à la multitude de défis auxquels nous sommes confrontés, y compris en matière de défense, et que cette fois-ci, le Parlement exerce pleinement son rôle dans ce processus.
Enfin, et surtout, le respect de l'État de droit doit être une condition sine qua non de l'accès au financement européen, tant dans le cadre du budget actuel que dans celui du futur budget à long terme de l'UE.
Carla Tavares est une députée portugaise du Groupe S&D au Parlement européen et co-négociatrice du prochain budget pluriannuel de l'UE après 2027 au sein de la commission des budgets du Parlement européen.